ANATOMIE PATHOLOGIQUE GENERALE

Faculté Broussais - Hôtel-Dieu
Université Paris VI


Lésions tuberculeuses et tuberculoïdes

Notion de spécificité

Formes étiologiques

LA TUBERCULOSE
Lésions histopathologiques élémentaires
Evolution des lésions histopathologiques
Diagnostic différentiel
LA SARCOIDOSE



        Les lésions tuberculeuses et tuberculoïdes, ou inflammation granulomateuse, correspondent à une variété particulière d'inflammation chronique.
Elles se traduisent par des amas de cellules histiomonocytaires et cellules épithélioïdes organisées en nodules appelés granulomes.
La constitution de ces granulomes fait intervenir l’immunité cellulaire.
De telles lésions, autrefois appelées spécifiques, sont en fait présentes dans de nombreuses pathologies infectieuses ou non infectieuses. Leur spécificité n'est que relative. Elles ne sont que l'expression morphologique de mécanismes identiques ou voisins communs à différents agents agresseurs.



I. LA TUBERCULOSE
        La tuberculose est l'exemple type d'une inflammation granulomateuse. L'agent étiologique est Mycobacterium tuberculosis. Il déclenche une réaction inflammatoire avec ses étapes habituelles: phase exsudative, phase cellulaire et phase de réparation avec fibrose.
Cette réaction inflammatoire est toutefois particulière par la présence de lésions granulomateuses et d'une nécrose tissulaire spéciale, très évocatrices de cette pathologie. Le diagnostic de tuberculose nécessite cependant de toujours être confirmé par la mise en évidence de Mycobacterium tuberculosis.
  1. Mycobacterium tuberculosis
  • Il siège,initialement et lors de la dissémination, dans les histiocytes macrophages
  • Les histiocytes macrophages n'ont pas d’enzyme pour le détruire
  • Sa multiplication intracellulaire est lente
  • Il ne produit aucun enzyme ni toxine
  • Sa toxicité est principalement liée à plusieurs constituants de sa paroi (glycolipides, hétéropolysaccharides, complément activé), responsables du déclenchement de la réaction inflammatoire et d'une réaction d'hypersensibilité retardée.
  • Sa diffusion dans l’organisme se fait soit par contiguïté, soit par voie vasculaire (lymphatique et sanguine), soit par voie canalaire (bronches, tube digestif).
  1. Lésions histopathologiques élémentaires
  • Le granulome inflammatoire
    Il apparaît rapidement après la phase exsudative. Il s'agit d'un granulome immunologique, témoin de la mise en jeu de l’immunité cellulaire. Il est constitué de cellules épithélioïdes et géantes, dérivées des histiomonocytes, entourées de lymphocytes et de fibroblastes.

    • Les cellules d’origine histiomonocytaire

      1. La cellule épithélioïde
      - Grande cellule
      * forme variée:
         ~ soit arrondie, à noyau rond, souvent centré par un nucléole
         ~ soit ovoïde, allongée, rubannée, à noyau ovalaire, incurvé
      * cytoplasme abondant, éosinophile
      - Ultrastructure
      * reticulum endoplasmique et appareil de Golgi développés
      * adaptation pour la sécrétion extracellulaire
      - Fonction
      * synthèse et sécrétion de cytokines et d’enzymes
      * activité phagocytaire réduite
      - Mécanismes de la transformation des histiocytes en cellules épithélioïdes
      * peu connus
      * certains composants de la paroi de Mycobacterium tuberculosis (glycolipides, polysaccharides, complément activé)pourraient être responsables de l'accumulation d'histiocytes et de l'activation des lymphocytes T.
      * les lymphocytes T, activés, pourraient, par la synthèse d'INF g être à l'origine de la transformation des histiocytes en cellules épithélioïdes. Par l'intermédiaire du TNF a, ils pourraient augmenter la synthèse de facteurs chimiotactiques et la diapédèse des lymphocytes et des monocytes sur le site de la réaction.
      2. Les cellules géantes
      - Plasmodes plurinucléées ou cellules de "Langhans"

      - Origine
      * fusion d’histiocytes et de cellules épithélioïdes ?
      * accident biologique ?
      * modification des molécules de surface par des produits bactériens ?
      3. Groupements lésionnels
      Les cellules épithélioïdes et géantes peuvent:
      - Réaliser des formations arrondies, appelées granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires ou granulomes tuberculoïdes, sans nécrose (follicules simples)
      - Se disposer en couronne, en périphérie d'un territoire de nécrose (lésions caséofolliculaires)
    • Les lymphocytes
      - Il s'agit de lymphocytes T CD4(+)
      - Ils se disposent autour des follicules et entre les cellules épithélioïdes
    • Les fibroblastes
      - Leur apparition est précoce
      - Leur multiplication et leur activation est induite par les histiocytes (IL2)
      - Ils sont responsables de la synthèse de collagène et de l'apparition d’une fibrose
  • La nécrose caséeuse
    Il s'agit d'un foyer de destruction tissulaire d’aspect particulier, très évocateur d’une tuberculose.

    • Aspect macroscopique
      La nécrose caséeuse a l'aspect du "caseum" (fromage), substance:
      - Grumeleuse
      - Molle
      - Friable
      - Blanche ou grise
    • Aspect histologique
      Il s'agit d'une plage:
      - Eosinophile
      - Acellulaire
      - Homogène
    • Evolution
      La nécrose caséeuse peut:
      - Persister: elle est non résorbable, mais peut se calcifier
      - Se ramollir, se liquéfier et s’éliminer après fistulisation dans une cavité, un conduit ou à la surface d’un revêtement
    • Mécanisme
      - Elle apparaît précocément, dès la phase exsudative
      - Son mécanisme de constitution est incertain, plurifactoriel:
      * cytotoxicité non spécifique par activation de lymphokines par les macrophages ?
      * ischémie due à des facteurs coagulants synthétisés par les macrophages ?
  • Mise en évidence de Mycobacterium tuberculosis

    • Coloration de Ziehl-Neelsen, mais les bacilles sont souvent peu nombreux et difficiles à détecter
    • Les méthodes de culture restent l'examen de choix, permettant de confirmer le diagnostic de tuberculose et d'identifier la mycobactérie.
  1. Evolution des lésions histopathologiques
Comme toute réaction inflammatoire, elle se fait en 3 temps successifs.
  • La phase exsudative

    • Il s'agit des lésions initiales
    • Elles correspondent à le phase aiguë de l'inflammation
    • Les lésions sont peu importantes:
      - Oedème
      - Polynucléaires neutrophiles
      - Quelques histiocytes
    • L'évolution peut se faire vers:
      - La régression
      - ou l'apparition d’une nécrose caséeuse, réalisant des lésions caséo-exsudatives
  • La phase cellulaire
    Elle se traduit par l'apparition des lésions granulomateuses, épithélioïdes et gigantocellulaires, pouvant réaliser:

    • soit des follicules simples
    • soit des lésions caséofolliculaires


  • La phase de réparation
    Elle se manifeste par l'apparition d'une fibrose cicatricielle, pouvant réaliser:

    • soit des follicules fibreux
    • soit des lésions caséofibreuses
NB: Mycobacterium tuberculosis est présent dans les lésions exsudatives et, en petit nombre, dans les lésions granulomateuses et fibreuses. La persistance de Mycobacterium tuberculosis explique le maintien d’une population de lymphocytes T à mémoire pour prévenir une réinfection exogène. La possibilité d’une réactivation des lésions (tuberculose post-primaire) est liée à l'âge, la malnutrition ou à un état d'immunodépression (sujet VIH(+)). Cette réactivation déclenche un nouveau processus inflammatoire avec ses 3 phases successives: exsudative, cellulaire et de réparation. Des réactivations successives expliquent la juxtaposition de lésions d’âges différents.
  1. Diagnostic différentiel
  • Les granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires sans nécrose caséeuse

    • Etiologies infectieuses
      - Autres mycobactéries: M. leprae (lèpre lépromateuse)
      - Mycoses: histoplasmose
      - Bactéries: brucellose, yersiniose
    • Etiologies non infectieuses
      - Berylliose
      - Certaines réactions allergiques extrinsèques ("poumon de fermier") et réactions médicamenteuses
      - Stroma des cancers
    • Causes inconnues : sarcoïdose


  • Les granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires avec nécrose

    • Mycoses: histoplasmose
    • Autres mycobactéries: Bacille de Calmette et Guérin, complexe Mycobacterium avium-intracellulare
    • Syphilis tertiaire

  • Les bacilles acido-alcoolo-résistants: autres mycobactéries pouvant être distinguées les unes des autres par des techniques comme la PCR.
II. LA SARCOIDOSE
        La sarcoïdose ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann est un autre exemple d'inflammation granulomateuse. Il s'agit d'une maladie systémique, d'étiologie inconnue.
  1. Maladie systémique
La sarcoïdose peut atteindre de nombreux organes.
  • La localisation médiastino-pulmonaire est la plus fréquente (90%), associant des adénopathies hilaires, bilatérales, et des localisations pulmonaires.

  • Les autres localisations sont diverses: ganglions, peau, oeil ...
  1. Lésions histopathologiques élémentaires
  • Les granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires

    • De petite taille
    • Non confluents
    • Bien limités

  • Sans nécrose, ou seulement, parfois, un petit foyer de nécrose fibrinoïde

  • Entourés et plus ou moins intriqués avec des lymphocytes

  • Fréquemment cernés d'une fibrose concentrique
  1. Evolution
  • Régression sans cicatrice

  • Sclérose progressive aboutissant à la constitution d'un tissu cicatriciel hyalin
  1. Physiopathologie
  • Il existe dans les lésions de la sarcoïdose une augmentation des lymphocytes CD4(+), avec un rapport CD4/CD8 d'environ 10/1

  • La synthèse de lymphokines et d'IL2 serait à l'origine du recrutement des histiocytes et de leur transformation en cellules épithélioïdes
  1. Hypothèses étiologiques
  • Agent pathogène : Mycobacterium tuberculosis, bactéries, virus ...

  • Modification immunologique des réactions de l'organisme

    • innée ou acquise
    • à une variété d'agents extrinsèques



Dernière mise à jour
02 avril 2002